Continuité pédagogique : organisation des prochaines semaines

Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les Enseignants,

Dans le contexte de crise sanitaire qui nous paralyse, c’est une tâche délicate que de mettre en place l’accueil d’enfants dont les parents exercent des professions indispensables au maintien des fonctions vitales de la Nation. Ceci nous a parfois obligés à des échanges de longue haleine autant avec les collectivités territoriales, pour nous organiser sur le mode de la complémentarité, qu’avec des directeurs ou des enseignants qui souhaitaient connaître précisément les conditions d’exercice de cette activité d’accueil et d’apprentissage avant de proposer leur volontariat.

Le rôle du messager a parfois été ingrat alors que nous vivions de grandes tensions : il s’agissait, en effet, d’organiser avec efficacité un accueil immédiat sur l’ensemble des temps de l’enfant, y compris le mercredi, le week-end et durant les congés scolaires. Ceci n’a été possible qu’avec l’appui important des municipalités de Nice, de La Trinité et de St. André de la Roche que je tiens à remercier tout particulièrement pour leur anticipation et leur engagement. Dans de telles circonstances, il faudra se souvenir que la peur aura été mauvaise conseillère et qu’il faut en toute occasion raison garder afin de nous attacher à l’essentiel : faciliter la vie des personnels réquisitionnés qui se mobilisent et mettent très concrètement leur vie en jeu pour lutter contre la pandémie. Globalement, nous y sommes parvenus et j’en remercie tous les acteurs.

Avec les deux conseillers pédagogiques et l’ERUN, nous nous efforçons depuis le 17 mars 2020 de nourrir la continuité pédagogique en mobilisant des ressources diversifiées que nous nous attachons à rendre les plus opérationnelles possible, tout en veillant à leur fiabilité et à leur compatibilité avec le RGPD.

La secrétaire de circonscription, équipée en urgence des logiciels nécessaires sur son ordinateur personnel, télétravaille également et assure ainsi quotidiennement  les missions qui lui sont confiées. L’idée est de vous aider par le maintien d’une présence institutionnelle attentive et pouvant vous assister dans la continuité de votre tâche, autant que de besoin. Cette continuité, demandée par le Ministère et impliquant tous les personnels (PE, AESH, Psy…,) a reposé ces dernières semaines sur le travail en distanciel qui concerne tout le monde excepté, bien sûr, les personnels en arrêt de travail. Les journées sont longues et nous faisons de notre mieux pour lutter contre le risque de fracture éducative qui pourrait résulter de l’éloignement des élèves les plus fragiles. Certain(e)s témoignent spontanément du suivi qu’ils/elles proposent aux élèves, depuis leur domicile et avec les moyens disponibles, et je les en remercie également. Ils utilisent pour la plupart différentes plates-formes numériques. D’autres utilisent leur messagerie internet ou à défaut remettent des éléments photocopiés.

En complément, la Poste a mis à disposition, dans le cadre d’un accord ministériel, son service « Docaposte » qui, dans le cadre du dispositif « flux devoirs », transforme des flux numériques en documents « papier » qui sont alors adressés aux familles numériquement isolées puis recueillis et inversement traités pour être retournés vers l’école ou l’enseignant.

Cette situation diversifiée nous engage, en complémentarité du site existant, à adopter une plate-forme numérique unique « oZe » pour l’ensemble de la circonscription afin de faciliter la vie des écoles et des communes qui en font partie.

L’ERUN s’attèle à la rendre fonctionnelle avant la fin de l’année scolaire pour vous permettre de l’utiliser par la suite afin de faciliter vos échanges avec la circonscription, la mairie, les élèves et les familles.

Certaines familles, aidées par des services sociaux ou des associations, nous demandent parfois d’intervenir pour que tous les élèves puissent bénéficier de l’attention qui leur est due. C’est à la circonscription qu’arrivent ces doléances et à l’IEN qu’il échoit la tâche délicate de les traiter en conservant un juste équilibre entre l’intérêt des familles et celui des enseignants.
Je sais pouvoir compter sur chacun d’entre vous pour que les élèves les plus défavorisés bénéficient en priorité d’un suivi régulier et soient les premiers à rejoindre les bancs de l’école. Le prêt d’ordinateur portable ou de tablette, peut constituer en ce sens une solution à envisager. En répondant chacun à cette attente qui permet de dissiper les inquiétudes de certaines familles, nous amènerons celles-ci à rejoindre toutes les autres qui, déjà, manifestent régulièrement des remerciements aux professeurs d’école, en saluant leur élan pédagogique et le suivi attentif qu’ils engagent auprès de leurs enfants.

La perspective d’une réouverture des établissements scolaires dès le 11 mai 2020 crée de fortes tensions pour l’ensemble des acteurs du système éducatif. La situation est particulièrement délicate, car elle génère de nouvelles inquiétudes. Il faut tout d’abord rappeler que ce ne sont pas les services de l’Éducation nationale mais les services sanitaires et de santé qui sont compétents pour déterminer les conditions matérielles de la mise en œuvre de cette réouverture (cf. en PJ l’avis du conseil scientifique du 24 avril 2020), ensuite, nous insistons sur notre préoccupation d’organiser un dispositif éducatif aussi efficace et juste que le permettra une situation aussi difficile que celle que nous connaissons.

Si les inspecteurs n’ont pas la compétence de définir exactement les modalités organisationnelles mises en place dans les écoles, ils s’assurent néanmoins qu’elles soient mises en œuvre au mieux dans leurs grandes lignes. Les conseils ou les préconisations doivent pouvoir s’adapter à des contextes différents, en faveur des usagers et des collectivités territoriales. Ils doivent pouvoir garantir les meilleures conditions pédagogiques pour contribuer à la réussite scolaire de chaque élève. Cette tâche sera particulièrement complexe et mobilisera une grande énergie. Il faudra en effet imaginer de nouvelles modalités de travail qui poseront peut-être certains problèmes et qui nécessiteront un engagement particulièrement fort de tous les enseignants.

L’articulation  entre enseignement en présentiel et poursuite de l’utilisation du numérique pour assurer la continuité pédagogique engagera des adaptations en situation, selon le principe de réalité en visant le plus pour avoir le mieux.

Il faut d’ores et déjà prendre conscience que l’enseignement qui sera proposé au cours de cette phase de reprise n’aura que peu de points communs avec ce que nous connaissions habituellement. De la même manière, sauf évolution très favorable cet été, il serait illusoire de penser qu’en septembre tout pourrait recommencer comme précédemment. La crise sanitaire est génératrice d’une crise économique mais aussi d’une crise éducative.

Dans ce contexte, il nous faut insister une fois encore sur le concept d’École de la confiance. Confiance envers les élèves, confiance envers les familles, confiance envers les enseignants, confiance envers nos partenaires municipaux et enfin, confiance envers l’équipe de circonscription et envers l’Inspecteur qui agissent toujours dans l’intérêt des élèves. Ce n’est que par cette posture qu’il sera possible de répondre à l’extrême variété des situations que nous voyons émerger sur le terrain.

Lors de la reprise du 11 mai, la tâche sera peut-être difficile, mais il faudra faire confiance aux acteurs de terrain. Dans les semaines qui viennent, le respect des consignes sanitaires, la souplesse et l’intelligence collective seront les clés d’une réouverture progressive et sereine des structures d’enseignement. L’articulation entre le travail des enseignants et celui des acteurs des temps périscolaires sera indispensable pour entretenir chez les élèves la confiance en eux et susciter leur désir d’apprendre. À la rentrée de septembre, le challenge sera colossal et les inspecteurs devront accompagner au plus près les équipes pédagogiques.

Concrètement, le déconfinement sera prévisionnel et progressif entre le 11 mai et le 2 juin. La prérentrée de tous les personnels aura lieu le 11 mai (sauf évolution négative de la crise qui engendrerait un nouveau report). La prochaine rentrée de tous les élèves de GS, CP et CM2 (dont les élèves d’ULIS inclus) se fera le 12 mai 2020, ainsi que celles des enseignants. Elle s’inscrit pour les élèves – et leurs parents – sur la base du volontariat. Elle revêt, en revanche, un caractère obligatoire pour tous les personnels (sauf ceux qui seraient en congés maladie, AT, ou en situation fragile dans le cadre de la liste des maladies recensées). L’accueil des enfants des personnels essentiels à la gestion de la crise se fera dans les écoles d’origine des élèves (fin des pôles de regroupement sauf en cas de reconfinement). Les enfants d’enseignants pourront également être accueillis pour faciliter la reprise familiale, les fratries également si possible.  Il faudra donc prendre en compte tous ces élèves dans les effectifs afin de les répartir dans les différents groupes de 15 élèves maximum. Les contenus concerneront le langage, les outils et la découverte du monde en maternelle et le Français et les Mathématiques en élémentaire. Les récréations seront  réalisées en alternance en classe (bien les aérer) et à l’extérieur, sous forme dédoublée, en rassemblant le moins d’élèves possible et en les répartissant dans tout l’espace (2 classes max).

Des masques seront fournis par les municipalités et/ou par l’Education nationale aux adultes engagés sur le terrain. A partir du collège, le port en sera obligatoire. Il serait inutile pour les enfants de maternelle (sauf en cas de pathologie). Quant aux enfants d’élémentaire, ils pourraient en porter en cas de distanciation difficile ou de profils sensibles dans le cadre d’un PAI (masques pédiatriques fournies par les familles et/ou par l’Education nationale).

Le Premier Ministre n’a pas confirmé ce jour l’alternance (en demi-groupes de 15 élèves volontaires maximum) prévue à compter du 25 mai 2020 pour le retour de tous les autres niveaux. Si elle était confirmée par notre ministère de tutelle, elle prendrait favorablement la forme de 2 jours d’école et 2 jours à domicile (en alternance) pour faciliter la reprise du travail des parents et simplifier le dispositif. Les temps de classe seront complétés de temps péri-scolaires organisés par les municipalités (accueil, garderie du soir et ALSH le mercredi). Cette organisation dépendra du choix que les maires en exercice feront. Le temps méridien permettra aux élèves de se restaurer en classe (à leur place), ou dans des espaces dédiés ou des réfectoires, avec le souci constant du respect des gestes barrières et de la distanciation sociale. Comme pour l’accueil des enfants de soignants, les familles fourniront un pique-nique individuel par souci de facilité. Certaines municipalités pourraient faire le choix de relancer la restauration collective, sous réserve de bonnes conditions sanitaires. Ce point mérite toutefois une attention particulière et une réflexion approfondie, plus favorablement pour un engagement ultérieur, lors de la rentrée 2020, par exemple.

Le confinement aura été un instrument efficace pour lutter contre le virus, retenir sa propagation et éviter des décès plus importants. Désormais le nombre de cas diminue régulièrement et la décrue est lente mais engagée. Des conséquences négatives semblent ainsi dépasser certains effets positifs. Tout l’enjeu est en effet de faire repartir l’économie en évitant de déclencher une deuxième vague épidémique (malgré un risque possible). La stratégie de déconfinement nous engage à vivre avec le virus en attendant un traitement, idéalement un hypothétique vaccin, ou encore sa disparition naturelle avec la saison estivale.

Le Premier Ministre Édouard Philippe a présenté ce jour son plan stratégique pour faire redémarrer le pays par étapes, à partir du 11 mai, dans six domaines clés, après avoir passé en revue les critères sanitaires (lavage des mains au savon, gel hydroalcoolique pour les adultes, gestes barrières, distanciation sociale et port du masque, bionettoyage régulier des espaces, des rampes, des poignées et complétement les mardi et vendredi soirs ou à défaut les mercredi et samedi), les objectifs et les règles à appliquer. Avec trois grands principes : « progressivité, réversibilité et adaptabilité ». L’objectif est de pouvoir protéger les Français dans un contexte où le virus sera toujours présent. La circulation serait donc libre à partir du 11 mai avec, en conséquence, l’abandon du système de l’attestation dérogatoire.

Il va nous falloir œuvrer ensemble, solidairement et pour le mieux, à la reprise d’une vie sociétale en phase, à la fois avec les contraintes énoncées et avec les libertés qui nous sont si chères.

Je sais pouvoir compter sur l’engagement de chacune et de chacun et vous en remercie par avance.

Avec mon soutien et ma détermination.

Marc VERLAY
Inspecteur de l’Éducation Nationale

 

En rappel : l’avis du Conseil scientifique